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La cueillette des olives

 
Ramassage des olives


La cueillette des olives est une activité à la fois passionnante, difficile, pénible et pleine de risques ; elle mérite d'être relatée dans ses moindres détails. Les olives récoltées sont acheminées vers les unités de pressage et de raffinage où elles font l'objet d'un traitement pour l'extraction d'huile.
 

 

Pour rappel, durant les deux dernières décennies, la plantation de l'olivier n'a pas cessé de s'étendre en Algérie et, par voie de conséquence, la production d'huile a suivi. Une bonne partie de cette huile est localement consommée surtout par les producteurs eux-mêmes et l'excédent est commercialisé afin de couvrir les frais induits par la maintenance des oliviers, la cueillette et le pressage.

 

Dans notre précédent article intitulé "la production d'huile d'olives en nette évolution", publié sur le site setif.info le 21 janvier 2013 (www.setif.info/article7463.html), les opérations de cueillette et de pressage sont brièvement relatées mais, vu l'importance qu'elles revêtent, il est jugé indispensable d'y revenir sur ces deux thèmes dans les moindres détails. 

 

Action qui s'effectue une fois par an, lorsque les olives sont mûres, la cueillette mobilise les efforts de tous les membres de la famille ; hommes, femmes, vieux et enfants, tous participent, chacun selon ses capacités, sa disponibilité et ses connaissances en la matière.

 

Dans le passé, le ramassage des olives se faisait à partir de la fin du mois de décembre de chaque année de sorte à obtenir de meilleurs rendements et une huile de qualité. De nos jours, il y a encore des régions où la cueillette ne commence qu'après le 25 décembre mais jamais avant. Cependant, il existe des localités où l'on préfère entamer l'opération un peu plus tôt, en novembre, voire même dès la fin du mois d'octobre, de sorte à éviter de travailler dans les champs d'oliviers en période de grandes gelées. Ceci se fait au détriment du rendement et de la qualité de l'huile produite. 

 

Pratiquement, bien avant le début de la campagne, le chef de famille prend des dispositions pour réunir toutes les conditions nécessaires à sa réussite. Il rend visite à ses oliviers pour nettoyer et débroussailler afin de faciliter le ramassage des olives lors de la cueillette. De plus, ça lui permet de savoir s'il y a beaucoup d'olives ou très peu, de sorte à évaluer les moyens à mettre en œuvre, le moment venu.

 

Outre l'entretien préalable des lieux, le chef de famille procède à la vérification des moyens matériels disponibles et utilisables lors de la cueillette ; en cas de manque, il prend les dispositions utiles pour y combler le vide constaté. Ces moyens sont simples et faciles à rassembler ; il s'agit surtout de gaules en bois, corbeilles ou bidons, filets ou bâches, sacs, scie, hache, corde, etc. Ces derniers aident beaucoup et permettent un travail rapide et sans grande difficulté. Le contraire est vrai ; le manque de moyens et leur vétusté sont souvent la cause directe d'une perte de temps. 

 

Le chef de famille, après estimation de la récolte d'olives, évalue les moyens humains à mettre en œuvre. Il fait en sorte que la cueillette se fasse dans les délais, c'est-à-dire avant que la gelée, la pluie et la neige ne s'intensifient et rendent les travaux dans les champs impossibles. Aussi, il se fait une idée de la main d'œuvre familiale disponible et en cas de besoin, du nombre d'ouvriers supplémentaire nécessaire. Il réfléchit et fait sa prospection auprès des ouvriers potentiels bien avant que la campagne ne commence, de sorte à éviter de se faire prendre au dépourvu.

 

La veille de l'ouverture de la campagne de la récolte des olives, le propriétaire informe tous les intervenants membres de sa famille et les ouvriers saisonniers retenus afin qu'ils se tiennent prêts pour le lendemain. Pour cela, il leur précise le lieu où ils vont commencer à travailler, l'heure et le point de départ, les moyens de locomotion disponibles éventuellement, la tâche confiée à chacun, les moyens à prendre avec soi, etc. 

 

Des dispositions sont aussi prises afin d'assurer la restauration sur les lieux de travail durant toute la période de ramassage des olives afin d'éviter des pertes de temps ; d'autant plus que les journées d'hiver sont très courtes et, en raison du froid et des gelées du matin, le travail ne commence qu'à partir de 9 heures pour s'arrêter vers 16 heures. Le chef de famille se concerte avec son épouse afin de lui ramener tout ce dont elle a besoin pour préparer à manger pour la circonstance. Toutefois, souvent, il s'agit de repas légers faciles à emporter avec soi et à faire réchauffer sur les lieux de travail même, en allumant du feu avec les branches d'oliviers.

 

Le premier jour de la campagne, vers 8 heures du matin, tous les participants à la récolte des olives se rassemblent chez le propriétaire et partent ensemble en direction du champ d'oliviers où ils vont travailler. Chacun d'entre eux, motivé et prêt à consentir les efforts attendus de lui,  prend avec soi une partie des moyens et de la nourriture à acheminer vers le lieu de travail. Dans le cas où un véhicule est disponible, les personnes et les moyens sont embarqués et très rapidement ils arrivent sur l'oliveraie. Dans le cas contraire, ils font le trajet à pieds, aller et retour. 

 

Pendant le trajet, les participants échangent des informations, se racontent des histoires, discutent de la cueillette et d'autres thèmes jusqu'à leur arrivée. Ils font de même sur le chemin du retour, mais avec moins d'enthousiasme car il ne leur reste pas suffisamment d'énergie ; ils préfèrent économiser leurs forces pour se reposer et se préparer convenablement pour la journée du lendemain.

 

A signaler aussi que pendant la campagne de récolte des olives, toutes les familles productrices se mobilisent et réunissent les moyens nécessaires pour accomplir cette mission dans de bonnes conditions. Ainsi, le matin, par petits groupes, les participants à la cueillette se dirigent vers les les oliveraies, de la fumée monte de partout et les champs sont animés grâce à l'intense présence humaine très active et peu habituelle par rapport au reste de l'année. C'est aussi la période pendant laquelle toutes les potentialités de main d'œuvre sont mises à contribution et participent ensemble et sans distinction de sexe ou d'âge. Les femmes, les vieux et les enfants sont présents aux côtés des adultes mâles pour apporter leur contribution à faire réussir la campagne de cueillette.

 

Arrivés sur les lieux, on allume un grand feu pour se réchauffer d'abord. Le feu est allumé relativement loin des arbres et de la broussaille afin d'éviter son éventuel propagation rapide aux  oliviers. Ce feu est ravivé plusieurs fois s'il fait très froid et surtout vers midi pour réchauffer la nourriture à consommer sur les lieux.

 

Par ailleurs, quelques instants après l'arrivée au champ, le chef de famille distribue les rôles et, tous ensemble,  ils commencent le travail avec joie. Les adultes expérimentés sont chargés de faire tomber les olives en usant de leurs mains ou, au besoin, en recourant à la gaule, en cas de nécessité absolue. Ces professionnels, sur leur passage, coupent toutes les branches qui gênent leur intervention et surtout celles qui sont  mortes et improductives. 

 

L'usage de la gaule est déconseillé car les tiges de branches sont les premières atteintes et elles tombent en même temps que les olives. L'année suivante, les branches endommagées et asséchées, ne produiront plus et agiront négativement sur la santé de l'olivier tout entier. Le recours à la gaule devrait être interdit aux non professionnels ; car les préjudices causés aux oliviers sont plus graves et se répercutent négativement sur l'épanouissement des arbres et sur leur productivité pendant les années qui suivent.

 

Mais, avant de commencer à faire tomber les olives, on procède au placement des filets ou des bâches parterre afin de faciliter le ramassage. Cette activité est généralement confiée aux participants non expérimentés, à ceux qui ne peuvent pas grimper les oliviers, aux femmes et aux enfants ; ces précautions sont indispensables pour éviter tout risque d'accident et préserver les oliviers de tout préjudice éventuel pouvant entraîner une baisse de la production. 

 

En effet, les risques d'accident existent au cours de la récolte des olives ; chaque année presque, il y a des personnes qui tombent, se fracassent les jambes, le bassin ou autres parties du corps, d'autres meurent carrément. C'est la raison pour laquelle les propriétaires veillent à l'application stricte des consignes de sécurité simples mais efficaces : seuls les expérimentés grimpent les oliviers pour faire tomber les olives, toute branche difficile à atteindre ou présentant des risques doit être sciée, ne pas grimper les arbres lorsque les branches sont imbibées d'eau de pluie ou de brume, arrêter la cueillette lorsqu'il pleut ou en situation de neige ou de forte gelée, etc.

 

A noter que ces risques augmentent lorsque les oliviers se trouvent sur un terrain accidenté ; la pente abrupte ne facilite guère le travail, la proximité de ravins rallonge de quelques mètres la hauteur des oliviers, etc. Dans ces cas exceptionnels, malheureusement nombreux, des précautions supplémentaires sont de rigueur afin d'éviter d'éventuels accidents, mortels dans la majorité des situations.  

 

 

Donc, les travaux sont entamés après la prise de toutes les précautions indispensables. Généralement on commence par cueillir les olives des branches que l'on peut atteindre sans grimper et ce pour éviter de les écraser ; on fait usage de ses mains et au besoin d'une gaule spéciale appelée en kabyle "Akava", non pas pour lancer des coups sur les branches, mais pour ramener celles-ci vers soi et les rapprocher le plus possible afin que les olives qui s'y trouvent soient à portée de la main. Dans, cette situation, on peut aussi utiliser une corde pour attacher les branches afin de pouvoir travailler à l'aise. 

 

Une fois que l'on ait terminé de cueillir les olives à portée de la main en étant parterre, un ou deux professionnels grimpent et font tomber celles qui restent. Là aussi, l'accent est mis sur l'aspect sécurité ; on ne doit jamais travailler à plusieurs sur un même arbre de sorte à éviter les accidents éventuels qui peuvent survenir suite à des gestes non surveillés. En effet, il arrive souvent que l'on tire vers le bas une branche sur laquelle un autre ouvrier s'y trouve. Dans ce cas l'ouvrier perd l'équilibre et tombe parterre.

 

Pendant que les uns font tomber les olives, d'autres les ramassent et les mettent dans les sacs préparés pour ça. Une fois la cueillette d'un olivier terminée, on achève le ramassage des olives en les séparant des feuilles tombées avec et on déplace les filets ou les bâches vers un autre olivier. Lorsqu'on est nombreux, on se répartit sur plusieurs oliviers afin de ne pas perdre de temps. 

 

C'est ainsi pendant toute la journée. Cependant, pour supporter la pénibilité induite par ce travail de cueillette et de ramassage, les participants discutent entre eux de tous les sujets et certains, notamment les femmes, entonnent des chants spécialement conçus pour la circonstance ; ce qui égaie un peu les lieux et donne du courage pour ceux qui ressentent la fatigue.

 

Dans la majorité des cas, surtout en Kabylie, les oliviers se trouvent sur des terrains non accessibles aux véhicules, ce qui pose le problème du transport des olives récoltées. Dans le passé, nos ancêtres effectuaient le transport à dos d'âne ou de mulet ; un moyen très adapté à tous les reliefs y compris ceux qui sont accidentés. Mais, de nos jours, ces moyens sont rares, les sacs pleins d'olives sont transportés à dos d'homme ou de femme jusqu'au point où les véhicules peuvent y accéder. Parfois, les distances sont tellement importantes que les propriétaires ont du mal à résister à ce travail pénible ou à trouver la main d'oeœuvre nécessaire et de ce fait, nombreux sont les oliviers carrément abandonnés. 

 

Le mieux est de faire parvenir à la maison toutes les olives récoltées chaque jour ; mais, souvent, en raison de la difficulté de transport, on laisse tous les sacs sur les lieux de cueillette et on procède au transport à la fin. On y consacre une ou deux journées spécialement pour le transport ; ceux qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes ont recours à la main d'œuvre saisonnière.

 

Une fois que l'on ait terminé de récolter les olives sur un terrain, on se déplace vers un autre et ainsi de suite jusqu'à la fin de la campagne oléicole. Ceci est le cas surtout en Kabylie où les terrains détenus par un même propriétaire sont très morcelés, de superficies réduites et éloignés les uns des autres ; ce qui ne facilite guère la tâche. 

 

Malgré tous les aléas évoqués, la cueillette des olives est un moment agréable pendant lequel tous les membres de la famille contribuent à la récolte et à la production d'huile, mais aussi, un événement qui leur permet de s'évader à travers champs, sous un climat doux, parfois ensoleillé, de respirer un bol d'air plein d'oxygène dénué de pollution. C'est aussi un moment où l'on s'assoit parterre, on mange en plein air, on ramasse des glands, … bref, on casse la routine.

 

Dans le passé, l'usage de la monnaie était rare et pour la cueillette des olives, on s'entraidait ; parfois, il fait recours au travail collectif, appelé "thiwizi". Cette pratique se décidait lorsqu'un ou plusieurs propriétaires n'arrivaient pas à cueillir seuls leurs olives, les citoyens du village se mobilisent et lui prêtent main forte pendant quelques jours et lui permettent de terminer la cueillette et le ramassage. En guise de reconnaissance de leur geste, le propriétaire les nourrit pendant les jours travaillés en usant de tous ses moyens et en plus, il leur distribue une partie de sa récolte d'huile, notamment aux nécessiteux d'entre eux.  Enfin, lui et ses enfants, participeront à toutes éventuelles actions collectives organisées au profit d'autres personnes, riches ou pauvres, quelque soit la circonstance. 

 

La campagne se termine en ramassant toutes les branches tombées parterre et en les brûlant ; car les laisser parterre sous les arbres ou à côté, elles peuvent constituer des foyers propices à la constitution de parasites nuisibles aux oliviers et aux olives. Leur élimination réduit de beaucoup les risques de maladies propres aux oliviers et aux olives. Cela permettra aux propriétaires de préserver la capacité de production d'olives et la qualité de l'huile obtenue.

 

Enfin, les olives récoltées ne doivent pas séjourner longtemps chez le propriétaire ; il est recommandé de les acheminer vers l'unité de pressage et de raffinage d'huile le plus tôt possible afin d'éviter que le taux d'acidité soit trop élevé du fait de la fermentation et de la détérioration d'une partie d'entre elles. Le pressage des olives et le raffinage d'huile constituent la phase finale de la campagne oléicole. Ce thème fera l'objet d'un autre article à publier prochainement. 

 

Auteur : Rachid Sebbah



23/01/2013
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