Lemroudj_Setif_Algeria

Figues Azendjar

Autrefois, à Lemroudj, le figuier occupait la première place en superficie plantée ainsi qu’en nombre d’arbres et quantité de figues produites. Aujourd’hui, il tend à disparaître laissant émerger l’olivier qui occupe de plus en plus de terrain et dont la production d’olives et d’huile ne cesse de croitre d’année en année.

Il n’y a pas longtemps, le figuier était très répandu au village Lemroudj et il occupait une superficie importante après les céréales et loin devant l’olivier.

Cette situation s’explique par le fait que la figue sèche de premier choix, appelée localement « Thaamriwith », était destinée à l’exportation  et constituait une source financière qui servait à payer les lourds impôts exigés par l’administration fiscale coloniale, au remboursement de dettes et accessoirement aux achats de denrées alimentaires et de produits indispensables à la subsistance des familles.

La figue sèche de second choix, toutes variétés confondues, appelée localement « Thaoulith »,  était destinée, en partie, à l’échange contre du blé ou de l’orge, et une partie servait à couvrir la consommation familiale des producteurs. Après le blé et l’orge, la figue sèche et la figue fraîche occupaient la troisième place dans la ration alimentaire quotidienne des villageois.

Quant à la figue sèche de troisième choix, toutes variétés confondues, appelée localement « Thakharboucheth », elle était destinée à l’alimentation de bétail.

A Lemroudj, on dénombrait plusieurs variétés de figues appelées localement : Thaamriwth,  Azaggagh, Azendjar, Thahayount, Lemaalla, Thahadjet, Thit netsakourth, Azegza, Thagawawth, Leghouddani, Bakour, Bouankoud, etc.

Mais la variété la plus répandue, c’était bien Thaamriwth dont la vente du premier choix était une source de recettes en argent dont ils avaient beaucoup besoin.

Venait en seconde position la variété dite Azagagh dont les figues étaient largement consommées fraîches, le matin et le soir, au lieu et place du café.

D’autres variétés étaient consommées fraîches (Azendjar, Lemaalla, Thahayount, etc.

Le reste des variétés était très peu représenté. A noter que la variété Bakour donnait deux récoltes par an ; la première, en juillet, qu’on appelle Bakour ou primeur de figues ; la seconde récolte en oaût, figues de saison qui sont très peu bonnes à manger fraîches ou sèches ; généralement non récoltées.

Les figuiers étaient très bien entretenus. C’est bien la raison pour laquelle la récolte était souvent abondante et les figues de très bonne qualité. Pour cela, le figuier était soumis à la taille à la fin de chaque récolte, aux labours en mars et mai, et à la pollinisation en juin.

Outre la taille en octobre, le paysan supprimait les tiges faibles au mois de mai, pour avoir de grosses figues. A noter que le binage des figuiers se faisait deux fois dans l’année, en mars et en mai.

La pollinisation des figuiers se faisait dès que les jeunes figues poussent et deviennent apparentes ; l’agriculteur accrochait dans chaque figuier quelques figues mâles pleines d’insectes à l’intérieur. Ces petits insectes, en se déplaçant, apportaient du pollen aux jeunes figues. La pollinisation permettait aux figues de se développer, de résister  à la chaleur, d’être grosses, relativement sucrées, avoir une peau lisse et la chaire intérieure saine et délicieuse.  Elles ont toujours été succulentes.

La production de figues et autres produits alimentaires était bio ; aucune utilisation d’engrais chimiques ni insecticides en dehors du fumier naturel ; il n’y avait pas de pollution.

Mais de nos jours, les choses ont beaucoup changé. Le figuier tend à s’éteindre et par conséquent, la production de figues est très dérisoire puisqu’elle ne permet même pas de satisfaire la consommation locale. Beaucoup de gens d’ici achètent des figues fraîches et sèches dont ils ont besoin ; de producteurs vendeurs, ils sont devenus acheteurs.     

Les raisons de la régression du figuier et de la production de figues sont nombreuses :

- Le figuier ne vit pas longtemps comme l’olivier et il est très exigeant en entretien (taille, labours et pollinisation). Beaucoup de figuiers ont disparu à cause de leur vieillissement,

- Les incendies de forêts ont ravagé une partie des figuiers ; phénomène méconnu dans le passé puisque tous les terrains étaient travaillés et les citoyens y veillaient,

- L’urbanisation du village a entraîné la disparition de plusieurs figuiers pour laisser place à de nouvelles constructions,

- Il n’y a presque plus de nouvelles plantations de figuiers ;

- Il n’y a plus de terrains à planter en figuiers ;  la priorité est donnée à l’olivier.

L’essor de l’olivier est favorisé par :

- La libération de terrains anciennement occupés par le figuier ; ce dernier ne peut repousser là où il a disparu,

- La disponibilité de plans d’oliviers ; ce qui facilite la plantation à grande échelle,

- La disponibilité d’huileries modernes dont la capacité de production quotidienne élevée facilite la tâche de broyage d’olives et de raffinage d’huile,

- La demande de l’huile d’olive est suffisante et le surplus est commercialisé à des prix intéressants,

- l’olivier pousse même pauvres sur des sols peu fertiles.

Enfin, le changement du mode de vie des villageois en est aussi la cause ; il n’y a plus de main-d’œuvre agricole qualifiée et les gens ne consomment pas beaucoup de figues. Aussi, les ouvriers s’orientent plus vers les activités industrielles, de bâtiment et de commerce  qui ne manquent pas à Lemroudj où on dénombre plusieurs ateliers de confection d’habillement, de tapissage garnissage, de menuiserie, de mécanique auto, de soudure, artisans plombiers, artisans maçons et entreprises de bâtiment et travaux publics. Il y a même une petite unité familiale de conditionnement de figues sèches et d’huile d’olive.

Auteur : Rachid Sebbah